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20 juin 2007 3 20 /06 /juin /2007 15:55


Le moins que l’on puisse dire est que l’école est au centre des débats publics en France. Quelque part on en parle presque trop lorsqu’on voit à quel point les choses restent telles quelles. Parler de l’école, c’est parler d’un double échec : celui de notre incapacité à transmettre un certain nombre de savoirs fondamentaux aux enfants et jeunes gens (taux d’analphabétisme très fort à la sortie du primaire, orthographe désastreuse jusqu’à l’Université, méconnaissance souvent effarante en l’histoire, littérature ou en sciences). Echec aussi à mettre fin aux pratiques des « pédagogistes » défenseurs de théories égalitaristes, utopiques et relativistes que ni les critiquent ni le niveau si désastreux de bien des élèves ne désespèrent.
Le débat sur l’école part néanmoins souvent d’une prémisse implicite fausse selon moi : on peut parler de la refondation ou de l’école sans voir dans ces projets la base d’un véritable projet de société. La première question à se poser n’est pas quelle école nous voulons mais quelle société nous voulons. L’école est en effet le dernier foyer inexpugnable de socialisation, d’éducation et d’instruction dans un société où les communautés traditionnelles (famille, Eglises, armée, patrie) ne sont plus à même de transmettre des valeurs et règles de vie qui permettaient aux individus non seulement d’apprendre à vivre avec les autres mais aussi d’interpréter le monde.
Je pense que l’idéal d’une société ne peut pas être une égalité sociale absolue. Il faudrait plutôt l’existence d’inégalités sociales justes c’est-à-dire fondées sur les différences de mérite et de travail. Il est normal que quelqu’un qui travaille plus, fasse davantage d’efforts obtienne plus de reconnaissance et une meilleure position sociale. Mais ce n’est possible que si les individus ont les mêmes chances au départ. Sinon on entérine les inégalités sociales de départ et ce qui se présente comme une possibilité d’ascension sociale n’est qu’un vaste jeu de dupe. Les inégalités sociales de départ doivent être annulées et compensées tout à la fois dans les écoles au nom de l’égalité des chances qui loin d’être une notion à laquelle on se réfère vaguement dans la rhétorique pédagogique doit redevenir la corollaire de la notion d’effort et la base d’une vision de la société assumée et consciente. Ce que je défends c’est une vision de la société où l’inégalité non pas simplement tolérée comme un mal nécessaire mais comme une source de justice. Ce que je défends c’est une école comme lieu de transmission d’un savoir et de compétence, de développement du goût et du jugement qui serait mise entre autres au service d’une vision claire de la société. Seule une école qui prendrait très au sérieux la notion d’égalité des chances peut être la condition de possibilité d’une société juste.
Les inégalités sociales, quant à elles, doivent être annulées au maximum en prenant comme critères de sélection la maîtrise de savoirs et de compétences qui sont indépendants du groupe sociale d’origine. Le livre de Bourdieu et de Passeron « La Reproduction » malgré tous ses défauts et avec lequel je suis en profond désaccord dessine néanmoins ce qu’il ne faut pas faire : prendre comme outil de sélection des élèves un savoir acquis dans le cadre familial ou social d’origine de l’enfant. Dans ce cas, en effet, on ne sélectionne pas les plus méritants mais ce qui ont eu l’heureuse idée de naître là où il fallait. Ceci rend d‘autant plus pertinent la sélection via les matières scientifiques, les Lettres, les langues et l’histoire et non pas par le sport, le dessin, la culture générale ou « la technologie » enseignées dans les Collèges français. Ces dernières matières relèvent en effet de savoirs et de compétences facilement accessibles en dehors de l’Ecole et qui ne fournissent donc en rien des critères satisfaisants de sélection.
Mais les inégalités de fait doivent être également compensées et c’est ici que les notions de « discrimination positive » a un sens. Elle consiste à vouloir rééquilibrer par des mesures volontaristes tels l’existence de quotas dans les examens d’entrée pour les couches « défavorisées » ou par une « augmentation des moyens » (le grand mot de l’Education nationale française) en faveur de ces mêmes groupes. Ces mesures de « discrimination positive » sont la traduction en fait de la prise de conscience que le principe théorique et philosophique d’égalité des chances est trop abstrait et ne prend pas en compte la réalité sociale. Cette idée me gêne néanmoins quand elle amène à instaurer des quotas. On ne prend alors quelqu’un non en raison des ses capacités mais de son sexe, de sa couleur de peau ou des origines sociales. Ce ne sont plus les mérites de la personne qui compte mais ce qu’elle est. Je défendrais donc la notion de « discrimination positive » sous sa forme la plus faible et comme volonté de « donner plus à ceux qui ont moins ». Il faudrait cependant toute sa consistance à cette idée et identifier tous ceux qui ont moins. Ceux qui ont moins pour des causes liées à la famille, sociologiques et psychologiques. Et ce en dehors de toute grille de lecture idéologique à la différence de bien des sociologues tels Bourdieu et Passeron.
J’insiste au passage sur la notion de causes psychologiques de l’échec scolaire. La dyslexie, le bégaiement, les troubles du sommeil, la suractivité : autant de phénomènes psychologiques (au moins en partie) à l’origine des mauvais résultats. J’insiste également sur les causes familiales qui déterminent la réussite ou non à l’école : la situation familiale (famille divorcée, nombreuse, recomposée) ou le rapport des enfants aux parents et l’état psychologique de ces derniers (parents violents ou alcooliques).
Mais pour prendre en compte ces problèmes il faut sortir des interprétations des mauvais résultats à l’école comme simple résultante de données sociologiques. Et il est étonnant que ces problèmes soient assez souvent négligés par bien des sociologues et « experts » en pédagogie et qu’ils mettent souvent en avant (pour ne pas dire uniquement) des mesures ciblant des groupes sociaux « dominés » (terme cher aux marxistes tels Bourdieu) et non des individus en difficulté. Pour être sincère je pense que la situation des enfants en difficulté pour des raisons psychologiques ou familiales est peut-être la plus difficile de toutes. On sort d’un milieu social souvent avec difficultés: on se libère peut-être encore plus difficilement de souffrances psychologiques. Bien sûr il existe des psychologues scolaires et les enseignants ne sont bien sûr pas tous des imbéciles insensibles. Je crains cependant que malgré toute la rhétorique « sociale » et « solidaire » nos marges de manœuvre soient limitées. Nous avons en effet peut-être trop tendance à voir dans l’Etat la seule instance capable de mettre en place des politiques d’entraide et de soutiens aux faibles et à considérer que donner des subsides en « augmentant les moyens » ou en créant des aides sociales suffit pour mener une politique véritablement solidaire.


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commentaires

A
Ta conclusion ne vaut pas seulement pour l'école. L'argent est un moyen mais ne résout pas tout.
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A
Forum de liaison pour les communautés de blogs Soif de lire, SFFF et Abc-Cuisine.http://fleurdencre.forumpro.fr/index.htm
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  • : Le blog de Pluiefine
  • : En créant ce blog je n'ai pas d'autre ambition que de me faire plaisir. J'avais envie depuis longtemps de publier quelques uns de mes textes. Ils porteront sur la philosophie, la politique, des films ou livres dont je voudrais parler sans soucis de rigueur ou de cohérence entre les différents textes. Je m’imposerai une seule règle (au moins pour quelques temps): publier de manière alternative des articles en allemand et en français. J'espère que vous aurez autant de plaisir à lire ces quelques l
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